Tamo Tcheng Fao, élevé dans la plus pur tradition taoïste de Cantha, a été l'unique disciple du vénérable Dogen Suma Soho, expert et grand érudit de la magie blanche. L'esprit vif et le corps en parfaite santé malgré ses 77 ans, le maître recueillit le jeune Tamo - alors à peine âgé de 4 ans – lorsque ces parents pauvres le supplièrent de le prendre pour élève dans l'espoir de lui éviter une vie de misère.
La coutume dans le royaume de Cantha voulait qu'un seul maître n'ait qu'un seule élève et qu'un seul élève n'eut qu'un seul maître. Si Dogen avait accepté le jeune Tamo c'était pour deux raisons. Par compassion tout d'abord, mais surtout parce qu'il ressentait chez lui un potentiel que le vieux maître n'avait jamais senti jusqu'alors. Une fois de plus, son jugement ne l'avait pas trompé.
Alors que l'apprentissage de l'art de guérison prenait plus de 20 années pleines et entières de travail acharné, Tamo Tcheng Fao dépassa les espérances de son maître en maîtrisant toutes les techniques nécessaires à un moine expert en à peine 10 ans. Se sentant limité quant aux immenses capacités de son élève, Dogen convoqua Tamo le jour de son quatorzième anniversaire à boire le thé, la tranquillité de ce moment étant propice aux grandes décisions.
« Tamo, ton apprentissage auprès de moi est maintenant terminé, toutes mes techniques médicales, je te les ai apprises et tu les maîtrises. Cependant ton manque de maturité ne fait pas de toi encore l'être digne de me succéder. Mon apprentissage, je te l'ai donnée conformément à la nature. J'ai été dur avec toi comme peut l'être la pierre. Souple comme peut l'être la branche. Insaisissable comme peut l'être le vent. Mystérieux comme peut l'être la nuit sans lune. Faible et indestructible comme peut l'être l'eau. Mais je ne suis qu'un vieillard. A coté du Tao, mes talents de maître ne sont que poussière. C'est pourquoi j'ai décidé que ton maître, je ne serais plus. Je confie donc mon disciple au grand mouvement céleste. La nature sera désormais ta maîtresse, ton meilleur ami et toi-même ton pire ennemi. Pars faire face à ta destinée et découvre par toi-même ton potentiel. Mais prend garde de ne jamais faillir à ta mission de moine et de ne jamais t'écarter du principe premier du Tao. Si le doute t'envahit, n'oublie pas ton enseignement. Pars mon ami, de toi, je ne veux plus ici. »
Tamo, la gorge serrée, les larmes naissantes, s'agenouilla au pied de Dogen et lui dit « Je ne faillirai pas au Tao, Maître. Si tel est votre volonté, je partirai demain à l'aube. »
Et dans l'esprit de communion qui caractérisait la relation d'un maître et de son élève, tous deux se regardèrent en silence comme un père regarde son fils.
Le lendemain matin, Dogen Suma Soho et Tamo Tcheng Fao firent leurs adieux au pied de la montagne qui abritait la maison du maître. Ce dernier souhaita bonne chance à son disciple et lui récita un poème que l'événement lui avait inspiré.
« Dans le pire moment de désespoir n'oublie jamais ce poème, je l'ai écrit pour toi : Mon pays est sans forme, mon esprit indistinction. Mon ego n'est personne, l'immobilité action. Toutes les choses que tu as besoin de connaître, ces vers te les rappelleront »
Tamo s'éloigna de son père adoptif et s'enfonça dans la forêt environnante sans regarder en arrière. Il ne revit plus jamais Dogen.