Il y a des secondes qui dure une éternité……….
Tamo Tcheng Fao allait s’en rendre compte quand Hung Fut Hsien l’installa entre les deux corps, l’attacha solidement sur la chaise puis lui incisa le torse de motifs cabalistiques. Le rite allait pouvoir commencer.
Le silence de la grotte laissa rapidement place aux bourdonnements et la libération d’une énergie d’une nature que Tamo n’avait jamais ressentie jusque là. L’odore d’ozone lui remplit les narines. Tamo respira calmement et poussa sa concentration à son paroxysme. Contrairement à ce qu’il redoutait, la présence de cette énergie malfaisante eut un effet des plus inattendu. Toutes les peurs, les rancoeurs, les chagrins refoulés se sublimèrent dans le cœur de Tamo qui se sentit alors sa puissance transcendée. La Nécromancie eut pour effet de libérer en lui tout son potentiel.
Son inconscient faisait maintenant face à ce que les légendes appellent « Rashomon », la porte des enfers. L’aura de Tamo lui faisait face quand cette dernière s’ouvrit dans un grincement des plus morbides.
Des centaines de bras tentaculaires tentèrent de saisir l’âme du moine. D’une facilité déconcertante, Tamo fit jaillir de son corps tout entier un flux énergie verdâtre qui balaya les bras tentaculaires aussi facilement que le vent souffle une bougie. Mais cette attaque le vida de toute son énergie. Il mit un genou à terre et ne vit pas l’âme de Danorn passer la porte. La première phase avait été un succès et le moine le savait.
Tout d’un coup, la porte se mit à hurler et une aspiration spirituelle se déclencha. Les enfers réclamaient leur du. Se rendant compte de la précarité de sa situation, Tamo retrouva ses esprits et tenta de s’accrocher comme il le pu. La pression exercée par la porte était surnaturelle. Ce n’est qu’en baissant les yeux qu’il constata avec stupeur que l’âme de Drogbar s’était agrippée à ses chevilles.
« Pourriture d’humain, tu m’as pris par surprise !! Je sais que ma fin est proche mais je t’emmène avec moi ! » Tamo essaya de se dégager avec le peu de force qu’il lui restait mais sa tentative fut malheureuse. Les deux corps furent aspirés. Tamo agrippa de justesse le bord de la porte. Drogbar s’attachait désespérément à la taille du moine. « Tu viens avec moi, sale humain !! » Et le semi-orc commença à lacérer de ses doigts crochus le torse du moine. Tamo hurla de douleur.
D’un geste désespéré, Tamo Tcheng Fao agrippa la tête de Drogbar et de toutes ses forces serra le crâne du semi-orc qui éclata dans une funeste et superbe giclée de fluide spirituelle. L’âme inerte de Drogbar s’engouffra telle une poupée dans les enfers ; la porte, rassasiée, se referma violement repoussant Tamo dans le monde des vivants.
Quelques jours plus tard, des paysans de Cantha eurent la surprise de retrouver le corps d’un homme gisant sur les bords d’une rivière. Cet homme était couvert de sang et de cicatrices sur le ventre. Son aspect famélique fit croire tout d’abord à ces sauveurs que cet homme était mort. Mais son front était brûlant de fièvre. Ils le ramenèrent dans leur ferme et prirent soin de lui. Pendant plus de trois semaines, Tamo Tcheng Fao délira dans son sommeil. La magie noire avait marqué son âme d’une marque indélébile.
Lorsque le rituel fut terminé, Hung Fut Hsien s’étant délecter du spectacle décida que la plaisanterie avait assez duré. Il se débarrassa du corps de Tamo en le jetant dans les eaux vives de mont Kiu sans la moindre once de compassion. Il se débarrassa du corps de Drogbar qui subissait suite au rituel une décomposition accélérée.
Il fixa Danorn Double Lame revenu du pays des morts qui se tenait prostré et tremblant en position fœtale dans l’un des coins de son laboratoire. Le nécromant caressa sa vieille barbe blanche l’air songeur et se posa cette question. « Que fais-je bien pouvoir faire de toi, humain ?»