Depuis qu’il était arrivé en Tyrie, les nuits de Tamo Tcheng Fao étaient devenues de plus en plus agitées. Les cauchemars du moine, outre leur répétition, prenaient à mesure que sa progression avançait dans ces terres désolés par la guerre, une tournure de plus en plus macabre. Depuis quelques jours, la situation avait atteint son paroxysme, au point qu’au réveil le moine se demandait où était passée la limite entre rêve et réalité, tellement la sensation de vivre ses cauchemars devenait forte.
Le foyer de la taverne du Serpent réchauffait les convives venus trouver réconfort après la bataille. Chacun avait laissé les armes au vestiaire pour oublier le temps d’une soirée le sang, les morts et les larmes.
Alors que les flammes réchauffaient Tamo qui s’était isolé près de la cheminée, le souvenir de ses nuits tourmentées agitait ses pensées. Et la présence des Nécromants dans la pièce ne faisait qu’accroître les effets des Larmes de Grenth que l’émissaire des Ombres Noires avait distillé dans son corps alors qu’il n’était qu’un nouveau né. Mais cela, Tamo ne pouvait pas le savoir.
Alors qu’il fixait les flammes, soudainement, une vision puissante s’empara de lui. Il sentit son corps vacillé. Grâce à ses talents de moine, il contrôla sa respiration et ses tremblements. Son corps devenu un champ de bataille, les convives réunis ne perçurent pas l’épreuve qu’était en train de vivre le moine de Cantha.
Dans le cœur des flammes se dessina un village, son village de naissance, en ruine devenu un véritable champ de bataille. Il se voyait lui, le serviteur de la lumière, au milieu des cadavres un sourire cruel figé sur son visage couvert de sang. Une aura verdâtre émanait de lui. Cet aura maléfique émanait de lui comme les vapeurs d’eau qu’il avait pu voir au dessus des bassins des sources chaudes de Bergen.
Son double le regardait fixement. Les yeux emplis d’une cruauté sans fond, il prononçait des incantations qui faisait se lever les corps sans vie de milliers d’âmes damnés qui jonchait le sol. Les morts revenus à la vie se prosternaient au pied de leurs chefs et maîtres qui, sans relâche, continuait à invoquer les puissances des ténèbres. Plus cette litanie macabre montait en intensité et plus l’aura maléfique s’amplifiait au point de couvrir l’ensemble du village. Tout ce qui était à terre, sacs, déchets, poussières se suspendait dans les airs comme si une tornade invisible, dont Tamo était l’epicentre, englobait le village dans son entier. Un bruit sourd et oppressant montait des entrailles de la terre qui commençait à se fissurer. C’était comme si tous les morts qui peuplaient les enfers voulait revenir à la vie et rejoindre l’armée que le moine était en train d’évoquer.
Alors que Tamo était sur le point de perdre connaissance, Dante Devastation s’approcha de lui, lui tapa sur l’épaule pour lui demander si tout allait bien. La vision disparut instantanément. Tamo Tcheng Fao était couvert de sueur. Quand il regarda dans les yeux du moine, Dante crut percevoir une lueur verte qui disparut presque aussitôt. Et avec l’aplomb qui caractérisait d’ordinaire le moine, celui-ci lui répondu « Je vais bien Maître Dante, je vous remercie. »